Bruce Bowen a toujours été un mec bien. Ça, on ne pourra jamais lui retirer. Toujours prompt à conseiller ses coéquipiers, à discuter avec son coach, à être quelqu'un de bien en dehors du terrain. Bruce Bowen a toujours été un sale type. On est obligé de le reconnaître. On est pas l'un des meilleurs défenseurs de la ligue sans rien. Quand on doit se coltiner Kobe, Lebron, Wade matchs après matchs on fait tout pour leur laisser un souvenir. On laisse trainer ses mains, on met des claques, on accroche des poignets, on fait des croche-pieds. On récupère la réputation d'un "dirty-player". Bruce Bowen a pris sa retraite. Et la plus belle reconnaissance qu'il puisse avoir c'est le soupir de soulagement des plus grands joueurs de la ligue.
Quelle est la vraie définition d'un joueur indispensable à son équipe ? Marquer 20 points, récupérer tous les rebonds, voler des ballons décisifs ? Des critères un peu vagues. Avec eux, Robert Horry n'appartient pas au Hall of Fame. Avec eux Bruce Bowen est juste un role player juste bon à sortir du banc. Et pourtant... Membre du 5 majeur des Spurs pendant 5 ans, Bruce Bowen était l'un des lieutenants principaux de Greg Popovitch. Ses stats : 6 points et 3 rebonds en carrière. Pas de quoi affoler les compteurs. Alors, faisons un petit retour sur la carrière de Bowen, aussi atypique que le joueur lui même.
Sorti en 93 de l'université de Cal State Fullerton, Bowen s'avère être un joueur moyen qui n'attire par les franchises NBA. Non drafté, il peine à se trouver une équipe, et c'est en France qu'il va atterrir : au Havre, fraîchement remonté en Pro B. Il devient un joueur incontournable de la division et participe l'année suivante à la montée en Pro A d'Evreux. Mais c'est toujours la NBA qui l'obsède, et ses allers retour entre la France (Evreux - Besançon) et la CBA (Rockford Lightning) finissent par payer : un contrat de dix jours aux Heats, vite prolongé au reste de la saison lui offre une place en NBA !
Le rêve américain
On croit souvent qu'une fois qu'on y est, le plus dur est fait. Mais la NBA est cruelle, et il faut perpétuellement se battre pour conserver sa place quand, comme Bowen, on est pas doué de capacités techniques et physiques hors du commun. Peu athlétique, pas un gabarit impressionnant, une vitesse correcte : il n'a rien de l'athlète type que l'on croise en NBA. Mais c'est à force de travail qu'il va finir par se faire une place dans la grande ligue. Il bourlingue entre Miami, Boston et Philadelphie. Il se spécialise dans la défense, et trouve son "spot" derrière la ligne à trois points à zéro degré. Son pourcentage à trois points décolle, il apporte sa pierre à l'édifice offensif, mais est surtout chargé d'être le chien de garde officiel de la star adverse. Il peut aussi bien prendre un meneur qu'un pivot et ne rechigne jamais à faire son lot de petites fautes agaçantes pour déstabiliser l'adversaire. C'est ainsi que Pop le remarque, et le fait signer aux Spurs dans le but de l'intégrer à sa philosophie de jeu : tout pour la défense. Il rejoint les joueurs du Texas la même année qu'un certain Tony Parker.
C'est le début de la success story : promu dans le 5 majeur, il ne le quittera presque plus. Il disputera la série hallucinante de 500 matchs d'affilés commencés dans le 5, série arrêtée uniquement à cause d'une suspension. Son jeu défensif lui vaudra le respect de toute la NBA. Trois fois dans le deuxième 5 défensifs de la NBA, puis trois fois dans le meilleur, il échoua deux fois aux portes du titre de DPY (defensive player of the year). Du côté offensif, on connaît tous son shoot dans le corner qui a si bien su terminer les actions collectives des Spurs. A la clef, 3 titres NBA (2003, 2005, 2007) pour la franchise, et un rôle de soldat de l'ombre pour Bowen. Mais le bougre n'est pas du genre à vouloir toute la lumière sur lui, d'autant qu'il préfère faire ses coups en douce.
Né 10 ans trop tard ?
Quand on regarde jouer Bowen, une chose vient à l'esprit : il aurait fait un membre parfait des Bad Boys, l'équipe des Pistons qui a remporté deux titres en 1989 et 1990. Même jeu rugueux prônant la proximité avec le défenseur, Bowen est l'un de ces rares joueurs capable de coller son adversaire à quelques centimètres, et de le suivre dans le moindre de ses déplacements. Son agilité défensive peut surprendre tant il semble frustre en défense. Il adore poser ses mains sur les bras et les avants bras, donner de petits coups même au visage. De quoi déstabiliser n'importe quelle star. Les stats le prouvaient à chaque fois : les stars baissaient leur niveau de jeu quand Bowen défendait sur elles. S'en suivait inévitablement des rixes et chamailleries, ou bien souvent les caïds de la NBA sont rarement critiqués. De là vient la réputation de joueur "sale" de Bowen, le seul à oser commettre des crimes de lèse-majesté sur Kobe, Lebron, Nowitzky... On se souvient bien de sa rivalité avec Ray Allen par exemple qui lui aura coûté 10.000 dollars.
Trop vieux ?
Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Les Spurs s'essoufflent, voient la dynastie qu'ils avaient fondés commencer à se fissurer, et l'âge les gagner. L'an passé, Bowen a pour la première fois été relégué sur le banc. Seulement 10 matchs en tant que starter : Roger Mason lui étant préféré pour sa capacité à faire la différence à longue distance. Et en fin d'année, le couperet est tombé : les Spurs, dans un désir de rajeunissement et de rajouter une force de frappe à leur équipe échangent Bowen et autres "vieux" (Oberto, Kurt Thomas) contre Richard Jefferson, l'arrière-ailier des Nets. C'est la fin d'une époque, et Bowen n'a franchement pas le cœur à repartir dans une nouvelle aventure. Il annonce le 3 septembre la fin de sa carrière. Plus les jambes ? Bowen semblait inusable, mais pourtant, il se faisait moins présent sur son défenseur, moins rapide pour l'empêcher de pénétrer. Face à la vivacité de certains arrière, il a commencé à être dépassé. Et Bruce Bowen sans sa défense, ce n'est plus qu'un role player quelconque.
Alors le voilà parti. Son crâne lisse ne pénétrera plus sur le parquet de l'AT@T Center. Nul doute qu'on le reverra souvent aux côtés de David Robinson à venir encourager son équipe. Mais il ne devrait plus fouler les parquets NBA. Malgré des propositions des Celtics ou des Cavaliers. Il veut maintenant que les gens se souviennent de lui comme quelqu'un qui a gagné 3 titres. Il va reprendre une vie normale dans le salon de beauté qu'il possède avec sa femme. Il continuera sûrement à coller ses adversaires de près.
Il n'est pas du genre à vouloir un hommage ou voir son maillot retiré par le club. Mais l'idée que les plus grandes stars de la ligue se rendront à l'AT&T Center le cœur un peu plus léger que d'habitude devrait suffire...
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