24 septembre 2009

Tout à perdre

L’image est restée gravée dans les mémoires : Salt Lake City, Match 6 des Finales NBA de 1998. 12 secondes à jouer, Jordan avec le ballon. Il commence à driver vers sa droite. Arrivé en tête de raquette, il redresse sa course et s’élève pour un shoot parfait. Ficelle. Son défenseur, largué par la puissance des appuis de His Airness, ne peut que constater les dégâts et voir les rêves de titre s’envoler.

Ce shoot face à Byron Russell restera mythique. Il s’agit là du dernier tir de Michael Jordan sous l’uniforme des Chicago Bulls. L’image de Jordan prenant son envol pour son jump-shot est d’autant plus symbolique que Russell s’est emmêlé les pinceaux et doit rester à quai. Michael Jordan survole la concurrence.

C’était il y a un peu plus de 10 ans. Cela a contribué encore un peu plus à la gloire de His Airness. Lors de sa récente intronisation au Hall of Fame, l’on s’attendait à ce que cette scène refasse surface. Chose dûe. Mais pas forcément dans la forme attendue. On le sait, Michael Jordan a la langue bien pendue et ses adversaires en prenaient généralement pour leur grade ; alors que Russell est loin d’être un enfant de cœur et en a encore gros sur la patate de s’être pris ce tir sur le museau. Le volcan s’est alors réveillé.


On ne va pas aller chercher celui qui a commencé, mais toujours est-il que cette histoire a vite monté en épices. Les deux protagonistes étant chauds comme la braise, le brave Brandt Andersen s’est proposé d’organiser le duel. N’allez pas croire que le propriétaire de la franchise NBDL affilié aux Utah Jazz soit un simple amateur de basketball. C’est aussi quelqu’un qui flaire le business et veut visiblement se faire connaître. Il a proposé via son twitter à Stephen Marbury un contrat, il y a quelques jours. Marbury en ligue de développement. Concrètement, pourrait-il y avoir une once d’intérêt sportif là dedans ? Starbury n’ayant pas donné suite, Andersen essaie de monter un nouveau spectacle de foire (pour la mi-temps d’un match de sa franchise).

Outre que les deux ont une résidence dans la région, il y a 100 000$ de don pour une association caritative laissée au choix de glorieux vainqueur. Faire venir Michael Jordan pour 100 000 dollars, vous voyez le genre. Celui qui a engrangé de gros contrats durant sa carrière et qui continue à faire fructifier son image de marque avec des recettes publicitaires stratosphériques. Il peut les mettre aisément de sa poche. Mais voilà, MJ est un compétiteur. Ca se voyait sur les parquets, ça s’est senti dans ses retours à la compétition. Ca s’est même vu durant son speech au Hall of Fame, où les allusions à un retour d’un mec de plus de 50 ans dans la NBA ont été plus qu’appuyées.


Il est intéressant de voir comment Michael Jordan va se sortir de cette situation inédite. Pour la première fois de sa carrière (de l’aspect purement « joueur » de sa carrière, laissons de côté les controverses concernant ses décisions de responsables de franchise), il se retrouve piégé. D’un côté par sa passion dévorante et son ego en acier trempé. Peut-il réellement décliner ? Michael Jordan, la terreur des parquets, qui humiliait ses coéquipiers à l’entrainement et ses adverses en match, peut-il s’éclipser devant une mise au défi ? Pour son image auprès de ses fans et pour sa propre soif de sang, il apparait délicat pour MJ de ne pas donner suite. Ou alors, ça serait un aveu de clap de fin. Et quelque part, Jordan n’a pas envie d’une mise au placard irrémédiable de son mythique #23.

De l’autre côté, il est coincé par la nature du match en lui-même. Un match qu’il ne peut pas vraiment gagner. Il remporte ce duel, et alors ? Michael Jordan surclasse un retraité de longue date qui n’a jamais eu un dixième de son talent et qui ne doit pas être en meilleure forme physique actuellement. Mais si d’extraordinaire il perdait, quelle sacrée écornure à l’image du mythe. Ca serait une catastrophe pour l’ensemble des fans. Pour n’importe quelle personne qui s’intéresse ne serait-ce que vaguement au sport. MJ a un tel contrôle de son image que cela serait un désastre pour lui.


Car pas de fausse modestie, son statut du meilleur joueur du tous les temps, il veut le garder. Cette distinction est tellement basée sur des raccourcis faciles (d’autres ont été très bons dans leur genre, désappréciation de joueurs extraordinaires comme Scottie Pippen, Denis Rodman, Horace Grant,…) qu’une telle bombe médiatique pourrait avoir un effet boule de neige sur le statut d’intouchable de Jordan. On ne cesse de vouloir faire faire la course entre Jordan et Bryant ; les arguments en faveur du Laker n’en prendraient que plus de poids : via notamment Internet, les exploits de MJ sont optimisés alors que les bévues de Kobe peuvent prendre plus de poids ; en effet, l’on a dorénavant accès à tous les matchs et la possibilités de les disséquer, y compris donc les plus mauvais afin d’étayer son réquisitoire ; alors qu’il faut bien admettre qu’il y a une certaine mythification autour des performances de Jordan, accentué par le fait que l’on ait pas accès massivement au couacs du maître. Idem, une icône montante comme Lebron James n’attend qu’une faille du genre pour monter encore plus dans le cœur des fans.

Personnellement, cette gueguerre n’a aucun sens. Mais c’est une réalité et Jordan le sait mieux que quiconque. Et puis l’homme adore détruire les idoles qu’il a lui-même construites. De plus, il ne faut pas oublier la jeune génération. Que ceux qui ont grandi et découvert le basket via Jordan resteront sans doute fidèle à leur mentor, ne serait-ce que sentimentalement. Mais son dernier titre remonte à plus de 10 ans et cela ne nous rajeunit pas. Pour les plus jeunes, on aura beau leur dire monts et merveilles sur Michael Jordan et les gaver de VHS (qu’ils n’arriveront pas à lire, de toutes façons), si le seul « match » de Michael Jordan qu’ils ont vraiment vécu, c’est une défaite en un-contre-un sénior, ils risquent de passer leur chemin ; au lieu de le considérer comme une sorte d’absolu hors du temps.

Nous nous trouvons dans une situation dans laquelle on ne pensait jamais se trouver : une situation dans laquelle Michael Jordan ne peut pas gagner. Le genre de phrase qui me paraît bizarre même en l’ayant relue 3 fois ; tellement que j’essaie de la noyer dans une sorte de conclusion bancale.

1 commentaire:

  1. Même si Jordan perd ça ne changera pas le fait que Michael a gagné son dernier titre par un titre sur sa gueule!

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