28 août 2009

Réquisitoire contre le 6th Man Award

Parmi le rituel annuel de distribution de trophées individuels, l’on trouve celui du « 6ème homme de l’année ». Un coup d’œil rétrospectif nous fera nous poser des questions sur le bien fondé de cette distinction.



Face à la puissance symbolique du 5 majeur, il peut être très utile d’avoir des bons joueurs qui acceptent d’être assis sur le banc pour commencer le match. De toutes façons, c’est bien connu, c’est le 5 qui termine les rencontres qui est réellement important ; et il n’est plus rare de voir ces bons 6ème homme jouer un rôle crucial dans le money time.



C’est le cas notamment du lauréat de l’an passé : Jason Terry. Jet est un arrière de qualité, aucun doute là-dessus. Avis partagé par son coach, qui au final le fait un poil moins jouer que Jason Kidd, mais bien plus que JJ. Barea ou A. Wright. Bref, il est loin d’avoir le 6ème temps de jeu. Peu importe puisque être 6ème homme ne signifie pas être le 6ème joueur en terme de qualité et donc mériterait le 6ème temps de jeu. Mais si l’on pousse le raisonnement plus loin, l’on constate que cette distinction est trop stéréotypée.



Parce qu’alors, si le coach juge meilleur un joueur au point de le faire –substantiellement – davantage jouer que son homologue titulaire, pourquoi ne pas mettre le dit 6ème homme dans le 5 majeur ? JR Smith, second au vote du meilleur 6ème homme, a joué 28mins par match, alors que D. Jones, le titulaire au poste 2, atteignait 18mins. Parmi tous les arrières de San Antonio, Ginobili a toujours eu une légère classe d’avance.



Il n’y a fondamentalement pas de « meilleurs » joueurs à ce niveau. Tous apportent une nuance à leur poste. Le trio Robinson – Odom – Outlaw (3ème à 5ème du classement) le symbolise bien. Ils apportent quelque chose d’autre, une nouvelle dynamique et façon de concevoir le jeu. Le fait est que ces joueurs apportent cela en exécutant leur fond de commerce. Ils jouent des même forces et exposent les même faiblesses : la preuve est que leur jeu est globalement le même quand il intègre le 5 majeur pour des diverses raisons (blessures,…). Leur impact de 6ème homme serait alors d’apporter la bonne chose au bon moment. Une autre vision du jeu, un autre souffle.



Mais n’est-ce pas là la maestria de l’entraineur qui parle ? Choisir de faire entrer en cours de jeu un Andersen (8ème du vote) très expansif et peu avare en effort plutôt qu’un bulldog plus renfrogné comme Martin n’est-il pas principalement un bon choix de Georges Karl pour dynamiser sa 2nd unit ? Garder Bynum dans le 5 alors que celui-ci était au plus mal, pour qu’Odom serve principalement de liant au flow du jeu pour l’arrivée des remplaçants, a été une riche idée de Phil Jackson. Cela n’enlève rien à la valeur intrinsèque des joueurs concernées, mais il y a le fait qu’une grande partie de ce qui font d’eux des bons 6ème homme (et sans doute de surcroit, ce qui permet de les distinguer pour en sortir les meilleurs) qui est principalement dû au coach et à son projet de jeu à travers sa rotation. (*)



On tombe sur la définition du 6ème homme. Selon moi, ça serait la capacité à s’adapter et se mettre au service total de l’équipe. Un profil qui évoluerait donc suivant les rencontres et les match-ups particuliers proposés. Prendre le dessus en attaque, travailler pour en libérer d’autre (blocs, passes,…), défendre dur sur l’homme, s’orienter sur les aides défensives,…. Si vous me permettez cette métaphore, je considère que le 6ème homme doit jouer le rôle d’huile ; Terry est consorts me semblent être d’avantage des rouages.



Vu le niveau le travail de scouting énorme dans le sport pro (et plus particulièrement en NBA), il est même concevable que le Sixth Man soit dans le 5 majeur. Car 6ème homme est plus un rôle qu’une réalité mathématiques, ou sinon cela accentue que ce trophée devrait être dilué dans celui du meilleur coach. Les forces et faiblesses de l’adversaire sont scrutées et des ajustements peuvent donc être faits en préambule du match. Symboliquement, l’on pourrait citer Ariza (qui a même reçu un vote) comme profil, bien que cela soit encore loin d’être flagrant : la NBA ne dispose finalement que de peu de purs 6ème hommes (encore une fois, selon ma conception exposée plus haut, qui me parait comme la seule légitimant un trophée comme celui-là) et de beaucoup de 6ème homme de circonstance. Bref, un exemple d’autant plus symbolique que s’il [Ariza] a été 6ème en début de saison, il est devenu titulaire en cours d’année et a engrangé un temps de jeu conséquent une fois les PO venus, là où il est beaucoup question de match-ups.



En définitive, pour moi, le Sixth Man Award s’est perdu dans ses propres contradictions. L’obligation de sortir du banc est finalement plus contre-nature qu’il n’y parait de prime abord. Il célèbre finalement celui qui a le plus gros impact parmi tous ceux que les coachs ont choisi de garder en réserve, le plus souvent au nom de la cohésion de l’équipe.



(*) A la lumière de ce type d’argument, l’on peut également relativiser les autres récompenses individuelles, du fait qu’elles soient conditionnées par l’environnement. La différence est que cette récompense du Sixth Man Award est tellement pondérée par le contexte qu’elle en devient presque caricaturale.

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