5 avril 2010

Plus qu’une pour Don Nelson

Le coach des Golden State Warriors a empoché hier sa 1332eme victoire en carrière. Il égale ainsi le record de Lenny Wilkins pour le plus gros total de succès en tant que coach. Il lui reste 6 matchs cette saison pour être seul sur la plus haute marche.

Il a toujours été évasif concernant son futur en tant que coach. Espérons que ce record qui se dessine lui force la main et qu’il puisse profiter d’une retraite paisible et bien méritée. Retour sur la carrière de Don Nelson.

On passera rapidement sur la carrière de joueur, au cours de laquelle il remporta notamment 5 titres avec les Celtics entre 1965 et 1976. Il était reconnu comme étant l’un des meilleurs 6eme homme du circuit ; preuve en est que son numéro 19 a été retiré. Il prendra les rennes des Bucks dès l’année suivante. Une transition extraordinairement rapide qu’il est bon de souligner.


Très vite, Donald Arvid Nelson va faire parler son flair hors norme. Il sait détecter de jeunes pousses prometteuses et n’hésite pas à les lancer dans le bain. Son premier coup a été retentissant : il a transféré Swen Nater contre un tour de draft. Swen Nater venait de la ABA, où il était le meilleur rebondeur, plus tard il devint le seul à avoir été meilleur rebondeur en ABA et en NBA. Bref, un mouvement assez osé ; mais avec le tour de draft obtenu, Don Nelson (également GM de l’équipe) imposa le choix de Marques Johnson.

L’effet fut immédiat : dès sa deuxième saison, il était le troisième meilleur marqueur Nba. Dans son sillage, les Bucks ont atteint deux fois la finale de la conférence Est, en 1983 puis en 1984. Outre avoir su dénicher un si beau talent, Don Nelson a aussi révolutionné le jeu avec cette équipe de Milwaukee.

En effet, avec Marques Johnson puis Paul Pressey, Don Nelson instaura un nouveau rôle : celui du point-forward. C’est-à-dire que c’est un aillier voir un intérieur qui va organiser et distribuer le jeu. Le terme est très populaire auprès des observateurs français quand il s’agit de parler de Boris Diaw. Le jeu se structurait alors depuis le poste, ce qui permettait à Don Nelson de nourrir le reste de son effectif à coups de shooteurs comme Sidney Moncrief, Craig Hodges ou Ricky Pierce. Et le succès fut au rendez-vous ! Lors des huit dernières saisons de Don Nelson à la tête des Bucks, ils affichent un bilan en saison toujours supérieur à 0.60, et atteignent au moins à chaque fois les demi-finales de conférence. Mais sans jamais parvenir à se hisser jusqu’en Finales.

En 1988, Don Nelson démarque du côté de Golden State. Là encore, le manitou va bousculer les codes conventionnels. Il va aligner une équipe clairement sous-dimensionnée avec trois arrières et un joueur de 2m01 comme pivot. Ce qu’il perd en taille, il le gagne en explosivité. Et du côté de la baie d’Okland, les chevaux sont lâchés. C’est l’avènement du Run TMC : Tim Hardaway, Mitch Richmond et Chris Mullin sont les piliers d’une équipe résolument tournée vers l’attaque, pour en faire l’une des escouades la plus enthousiasmante de la ligue. De plus, il continua d’avoir l’œil aiguisé et débusqua Latrell Sprewell. Il a toujours un goût prononcé pour les bons et beaux joueurs et fit des pieds et des mains pour acquérir Chris Webber.


Mais la relation avec ce dernier est vite devenue compliquée et poussa Don Nelson vers la sortie, en plein milieu de la saison 1994-1995. L’année d’après, il débarqua du côté de New York, où malgré des résultats corrects, il ne s’est pas fait que des amis. Il avait des idées fortes et passionnées à propos du basket et il n’a pas hésité à demander le trade de l’idole locale Patrick Ewing pour faire de la place au prochain phénomène à entrer sur le marché des free agents : Shaquille O’Neal. Il est touours plus facile de refaire l’histoire après coup, mais il faut bien dire que l’idée était séduisante et surtout réaliste. Nous y reviendrons sans doute dans un billet cet été.

Malgré deux revers criants consécutifs, Don Nelson n’a pas eu de mal à vite retrouver un club dès la saison d’après. C’est ainsi qu’il est sur le banc des Dallas Mavericks dès l’entame la saison 1997-1998. Il a la lourde tâche d’enfin faire quelque chose d’une franchise jusque là assez désolante. Au cours de cette saison de remodelage complet, pas moins de 27 joueurs différents ont défilé sous l’uniforme des Mavs – un record, bien évidemment. Seul le rookie Samaki Walker a eu la chance d’être là du premier au dernier jour. L’équipe s’est construite patiemment, à travers des échanges, des tours de drafts,… Finalement, le dernier mouvement de ce long chemin de croix a été en 2000, lorsque le déluré Mark Cuban est devenu propriétaire de la franchise.

En 2000-2001, revoici donc Don Nelson au sommet de la Nba. 6 ans après sa dernière aventure en PO avec Run TMC, le revoici sur le devant de la scène avec une nouvelle fois une attaque exaltante. Emmené par un trio de folie, Dirk Nowitski, Steve Nash et Michael Finley, cette équipe de Dallas était surprenante par le fait que le danger offensif venait de vraiment partout. 53 puis 57 et finalement 60 victoires en saison, pour finalement une élimination en finale de conférence lors de la saison 2002-2003.

Là encore, avec Raef Lafrentz, Shawn Bradley et Dirk Nowitski en intimidation intérieure, ça fait léger. Surtout face à la puissance du Shaq de l’époque. D’ailleurs, fidèle à son caractère peu orthodoxe d’envisager les choses, Don Nelson est celui qui a utilisé en premier le Hack-a-Shaq, cette technique peu glorieuse qui visait à faire systématiquement faute sur O’Neal pour profiter de sa maladresse aux lancers-francs.


Et puis, Don Nelson laissa petit à petit la main à Avery Johnson. Après quelques mois passés sur le banc pour lui faire office de mentor, il lui laissa complètement diriger l’équipe. L’occasion pour Don Nelson de retourner pour une pige à Golden State. Là encore, un jeu clairement débridé. Mais l’impression que le succès dépend plus du génie des joueurs que de la maestria de Don Nelson. Il ressemble d’avantage à un surveillant de cours de récré qui laisse courir les mômes tant qu’ils ne font pas de bêtises plutôt qu’à un éducateur qui leur propose des activités.

Néanmoins, le talent de coach de Don Nelson va se rappeler à notre bon souvenir. En 2006-2007, il rencontre au premier tour des PO son ancien protégé : Avery Johnson et ses Mavericks. Le 8eme va terrasser le 1er, Dallas, dans une ambiance volcanique. C’est la preuve que Don Nelson a du recul par rapport à ce qu’il a fait, vu qu’il a su mettre en exergue les faiblesses d’une équipe qu’il a aidé à bâtir.

Il a beaucoup de lucidité sur ce qu’il fait et a fait, mais il n’a néanmoins jamais su atteindre les Finales. Il restera comme l’un des symboles du fameux adage que « Defense Wins Championships ». Le limiter à cela serait très réducteur du génie offensif qu’il a su être. Les équipes entraînées par Don Nelson font partie des attaques les plus léchées de ces 30 dernières années. Sans doute pas loin du Showtime, la médiatisation en moins. Que dire si ce n’est qu’il mérite d’avoir ce record, comme il a mérité d’être le coach de Team USA 1994, avec le lourd héritage de la Dream Team sur le dos.

Malheureusement, ces deux dernières saisons n’ont pas été simples. Il a encore une fois débusqué des perles à la draft, mais on a eu l’impression qu’il n’a plus eu le feu sacré pendant la saison. Peut-être que la non-qualification pour les PO en 2008, avec pourtant un record très flatteur de 48-34 a été l’estocade pour un homme qui a pris plusieurs coups de bâton derrière la tête à force de désillusions en PO. Car certes l’élimination de Dallas restera comme l’un des meilleurs moments de PO des années 2000, mais pour un coach qui a passé 30 ans sans atteindre les finales et qui se retrouve sorti en demi-finale, après avoir battu le favoris, au bout d’un moment, ça doit lasser.
Sur ces deux dernières années, on a senti Don Nelson résigné voir frustré. Certes l’homme n’a jamais eu sa langue dans sa poche, mais la récente multiplication des différents avec des joueurs cadres (Al Harrington, Stephen Jackson,…) témoigne que quelque chose est cassé. Mon impression est que vraiment il « laisse couler » et qu’il faudrait mieux pour Golden State et pour son vivier de talents qu’un nouvel entraineur insuffle un nouveau souffle à l’équipe. S’il venait à détenir ce record, il aurait sans doute moins envie de rester et les dirigeants moins de scrupules à lui dire que ça serait mieux de continuer sans lui.

On l’a vu danser à la fin du match contre Toronto. On l’a vu heureux d’atteindre le niveau de son idole. On l’a senti impliqué à mesure que le match avançait et que ce record était à portée de main. On espère le retrouver tout aussi fougueux cette semaine. Les Warriors affrontent Washington, Minnesota et les Clippers, certes tous trois à l’extérieur, d’ici dimanche prochain. L’occasion est trop belle pour ne pas se saisir à pleines mains de ce record. Pour que Don Nelson puisse quitter la ligue souriant, à la tête d’une équipe tout feu tout flamme. C’est cette image de ce grand entraineur que l’on veut garder. Pas celle du mec à la tête de Warriors à la dérive.

1 commentaire:

  1. Je ne trouvais pas comment le caser sans que cela fasse trop mécanique. Donc un petit nota bene en commentaire s'impose.

    Don Nelson, c'est 3 titres de Coach of the Year (1883, 1885, 1992) et une élection en 1996 comme faisait partie des 10 meilleurs coachs de l'Histoire.

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