15 mai 2010

Et pendant ce temps, à Vera Cruz…

Comme un fait exprès, il y a eu 3 sweeps. Cela a laissé la série Cleveland – Boston occuper seule le devant de la scène. On a eu l’impression que le monde s’est arrêté de tourner pile pour voir la débâcle des Cavaliers.

Plus que jamais, Lebron James mérite son statut autoproclamé de The King. Il a loin d’avoir été princier lors du Game 6, avec notamment 9 pertes de balles et un jeu plus que perfectible. Mais force est de constater que tout l’univers de la NBA gravite autour de lui.

C’est le fruit du travail méticuleux de son équipe, pour avoir fait chauffer le buzz depuis maintenant près de 2 ans. Avec la défaite de Cleveland –et donc le dernier match de The Chosen One jusqu’à la négociation de son prochain contrat- les premières digues sont ouvertes. Et quand on met sur le feu médiatique l’acquisition du joueur le plus doué de sa génération, forcement la soupape de pression doit s’ouvrir de temps en temps.

Durant ces derniers mois, même si l’euphorie autour de la free agency 2010 avait déjà pris des proportions énormes, limite inquiétantes, l’on était toujours ancré dans la réalité sportive des choses. Cleveland était un favoris pour le titre et a su l’assumer en saison régulière, ce qui a sans doute concentré les passions sur une échéance plus proche, à savoir le succès ou non du dit King James à glaner une bague.

Ce n’est plus le cas et donc il n’existe plus aucune variable purement sportive à prendre en compte. Tout ce qui va se passer jusqu’au début de la saison 2010-2011 sera marketing et fantasme. Plus rien d’objectivable ne pourra venir se mêler à la danse.

Ce qui peut vite devenir dangereux. On le sait, le sport a un aspect très passionnel. Voyez à quel point des fans de Utah, sans doute au demeurant très charmants, sont à la limite du correct quant il s’agit de parler de Derek Fisher, ayant quitté le Jazz pour Los Angeles afin que sa fille suive un traitement hospitalier adapté. Voyez, dans l’autre sens, à quel point les mouvements de foule sont spontanés et animés pour célébrer la victoire de l’équipe locale. L’amour du jeu.

Sauf que là, nous nous trouvons dans des proportions énormes. On parle de redessiner la carte des forces en présence dans l’une des ligues de sport majeures aux Etats-Unis, qui plus est celle qui s’exporte le mieux. Certes, depuis quelques années maintenant, le business s’est invité dans le sport, avec notamment les sponsors. Mais cela restait un jeu.


Ici, l’on traite avec quelque chose qui va bien au-delà du sport. C’est du serious business. Loin, très loin du modèle économique du Real Madrid avec ses galactiques footballeurs. Il est hallucinant d’essayer de voir quelles peuvent être les répercutions du choix d’une personne sur un nombre incalculable de vies. Mais quand on dit une personne, c’est symbolique, mon côté dramaturge qui ressort. Derrière Lebron James, on l’a mentionné, il a une équipe. Agent, conseillers et autres vampires qui viennent se partager une part du gâteau.

Pour prouver à quel point les discussions entourant l’avenir de Lebron James sont lourdes de conséquences extra-sportives, nous n’avons qu’à nous reporter à sa conférence de presse post-Game 6. Alors qu’il vient d’être éliminé de la course au titre, en n’ayant pourtant jamais été aussi bien entouré, LBJ mentionne son équipe de conseillers plutôt que ses coéquipiers.

Pourtant, c’était l’occasion de gagner son premier titre, au même âge de Michael Jordan. Pour pousser plus loin la comparaison, lui aussi aurait pu, pour se faire, se débarrasser des Lakers et de leur capitaine emblématique ; c’était Magic Johnson pour MJ, ça aurait pu être Kobe Bryant pour LBJ. Le premier a pleinement lancé le basket dans le business, le second pousse encore plus cette logique.

Quelque part, Lebron James s’est peut-être fait prendre à son propre piège. Il a joué avec les médias et les fans pendant des mois, laissant planer le doute sur sa future destination. Sans doute n’a-t-il aucune idée véritable sur la question, mais il a pris un malin plaisir à ce que cela prenne des proportions énormes. Peut-être a-t-il réalisé l’ampleur de la décision à prendre, à mesure que l’échéance s’est rapprochée.

Car rejouons la scène médiatique de cette série. Après le Game 2, l’on a questionné l’engagement des Cavaliers, Lebron James est arrivé avec une prestation énorme au match 3. De mémoire, jamais l’on a vraiment parlé de l’avenir de The Chosen One après la déroute du Game 2. Par contre, on les a sentis prenables après le Game 4 et soudainement, ce match 5 pouvait bien être celui de Lebron James à la Q Arena. Idem pour le Game 6 où cela aurait pu –et pourrait bien être- le dernier avec l’uniforme des Cavaliers. Jamais la perspective de voir Lebron James free agent n’a été aussi proche et jamais Lebron James n’est autant passé à côté, mentalement, de ses matchs.

Ca a été flatteur pour l’ego jusqu’à ce que cela fasse peur. Lebron James est arrivé directement du lycée, il n’a donc pas connu le fait que toutes les universités du pays lui fassent les yeux doux. Il n’a pas eu à faire ce choix. Pour la première fois de sa vie, il doit faire ce genre de choix. Ce ne sont pas quelques universités qui mettent en avant leur campus, résultats, plaquettes et filles sexy à l’appui. Ce sont les plus grosses villes du monde, avec en ligne de mire une légende à construire.

Michael Bloomberg est sûr que le Madison Square Garden est la scène où LBJ pourra s’épanouir pleinement. Barack Obama est persuadé que le maillot des Bulls lui irait très bien au teint. C’est quand même d’autres proportions que Rama Yade qui demande la démission de Raymond Domenech pour essayer de gagner quelques points dans les sondages.

Pour le meilleur joueur de sa génération, on peut penser qu’une bonne vingtaine d’équipes vont tenter sérieusement de se mettre sur les rangs. On peut dire que New York, New Jersey, Miami, Chicago misent beaucoup de leur avenir à court et moyen terme sur la possibilité d’accueillir mister ‘Bron. Johnny Wall, John Calipari, Team USA,…. Rien n’est trop beau pour être instrumentalisé pour tenter de faire venir Lebron James. Normal pour quelqu’un habitué dès son adolescence à ce qu’on ne lui refuse rien, au titre de son incroyable talent.


Mais ces quelques équipes peuvent avoir recours à un plan B. Certes, peut-être pas aussi royal, sans doute moins synonyme immédiat de titres, incontestablement moins glamour. Mais de quoi bâtir. Par contre, il en est une qui fait un gros all-in sur cet été. Cleveland bien entendu. Le roster n’a aucune inertie, plombé par les contrats d’Antawn Jamison, Mo Williams, Anderso Varejao. Lebron James qui part et l’équipe est tout juste bonne pour la seconde moitié de tableau. Ce départ serait un véritable crève-cœur pour toute la communauté. Lebron James était l’étoile locale d’une région considérée comme bouseuse. L’espoir pour une ville privée de titres sportifs depuis d’innombrables années. Le gamin du pays signifie tant pour toute une communauté privée de reconnaissance nationale. Lebron James le sait, il a grandit avec la volonté de faire exister Cleveland sur la mappemonde sportive.

Pour accomplir ce dessein, il n’y a vraiment que LBJ. Si il part, s’il pense que de changer d’air lui sera plus profitable que de rester au bercail, qui viendrait compléter le roster ? Quel grand nom viendra se risquer à tenter le coup avec un roster que le King himself n’a jamais su transcender ? Si l’attachement nostalgique ne retient pas LBJ, en quoi cette région serait plus attractive pour un autre free agent, à l’heure où des autres gros projets se bousculent au portillon ? Car avec Lebron cédant à une sirène, il restera quelques franchises huppées qui n’auront pas su saisir l’occasion et qui compteront bien se racheter.

Le départ de Lebron James, c’est l’effet domino en action. Dès qu’il bougera, cela créera un mouvement presque de panique des autres GMs, qui ne veulent pas être connus comme étant ceux qui ont raté l’été le plus fou de l’histoire de la NBA. Rappelez-vous le trade de Pau Gasol, suivi de ceux pour Jason Kidd et Shaquille O’Neal. Steve Kerr a récemment admis que ce dernier échange a été précipité par l’acquisition des Lakers. Imaginez les proportions que cela va prendre lorsque l’on va parler non plus de peaufiner des équipes, mais bien de bâtir des challengers quasiment de toutes pièces avec des tas de franchises hargneuses sur le marché.

S’il reste, cela amoindrit considérablement l’effet casino. En ne bougeant pas, et même si l’effectif l’entourant a montré certaines limites, cela fait que Cleveland reste dans la course, dans le paysage et donc, qu’avec des franchises comme LAL, Orlando elles aussi bien en place, le centre de gravité de la NBA ne changera pas tant que cela. Parmi tous les autres grands noms, aucun n’étaient membre d’une équipe qui pouvait prétendre au titre : l’été 2010 accoucherait sans doute alors de l’émergence d’une nouvelle équipe et du renforcement réel d’une voire deux autres, contrebalancé par certaines qui marqueront un peu le pas. Certes, c’est toujours un changement de poids, mais pas si big-bangesque que si Lebron mettait le feu à la scène nord-américaine toute entière.

Mettre le feu, donc tant sur les parquets qu’en dehors. Depuis l’élimination des Cavaliers et confortés par les fans des C’s scandant « New York Knicks » pour charrier Lebron James/les fans des Cavs, l’achat d’abonnements pour le Madison Square Garden l’an prochain ne s’est jamais aussi bien porté. La plupart des intéressés mettent en avant, plutôt que le plaisir de voir jouer une megastar sous leurs couleurs fétiches, les prix exponentiels que peuvent atteindre ces billets si jamais un messie venait débouler du côté de NYK. Quand on vous dit que c’est bien plus que du sport, cette histoire.

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